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Le Pacte d'Excellence sur le terrain : premières impressions

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L ' Excellence   Boys Charter School « Bedford-Stuy vesant »   à  Brooklyn, New-York Pour avoir été une des premières enseignantes touchées par le Pacte d’Excellence, je propose de décoder certains textes et avis du Pacte à la lumière de l'expérience que j'en ai eue sur le terrain. En substance, que disent ces textes en matière de gouvernance (notamment l'avis n°3 du GC et le décret “pilotage”)? L’école (PO, directeur et dynamique participative avec l’équipe éducative) doit élaborer un plan de pilotage ainsi qu'un contrat d’objectifs chiffrés à atteindre,  et mettre au point des indicateurs pour évaluer les progrès accomplis Dans mon école, il n’a jamais été question d’une quelconque “dynamique participative”. Le Pouvoir Organisateur a décidé seul.

Introduction

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Les "plans de pilotage" sont en cours d'élaboration dans les écoles. En ce moment, les équipes enseignantes s'interrogent, évaluent leurs besoins, proposent des solutions, etc... Une première phase qui se révèle plutôt agréable et même presque euphorisante. La deuxième phase le sera beaucoup moins. Car l'autonomie implique une "responsabilisation" et derrière le prétexte, il y a une obligation de résultats. Dorénavant, l'école et les enseignants vont devoir rendre des comptes, c'est le principe du "contrat d'objectifs" qui est lié au plan de pilotage. Et en effet, sans que personne ne s'en soit vraiment ému, le Pacte d'Excellence a transformé notre système éducatif pour se conformer au modèle américain de l'accountability.

Je suis en écart de performance

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N’allez pas croire d'après le titre de cet article que j’aurais dégringolé dans un classement sportif ou que j’aurais eu un coup de mou à l'usine et que mon chef d’équipe m’en aurait fait la remarque. Non, je suis juste institutrice. Depuis le temps que j’y enseigne, mon école est passée par tous les noms : de simple école de quartier, on l’a qualifiée d’école “en difficulté”, elle est devenue ensuite établissement à “discrimination positive” ou  D+. Maintenant elle est, paraît-il, "en écart de performance".

Le nouveau directeur

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Un nouveau directeur a été engagé cette année. Il est arrivé en juin pour faire connaissance avec l'équipe. D’emblée, il a manifesté de l’hostilité à mon égard. Pour lui, tout ce que je faisais, tout ce qui me concernait de près ou de loin, voire même tout ce qui était supposé me concerner était négatif. C’en était arrivé à un tel stade en ce début d’année que j’ai voulu rédiger une lettre pour mettre les choses au point avec lui. Vendredi 22 septembre     Monsieur le directeur,     Je voudrais vous exprimer mon ressenti par rapport à nos derniers échanges et, plus généralement, faire le point sur le mode de communication qui s'est installé entre nous.     Je dois d'abord commencer par vous avouer que j’ai été très surprise par la tournure que vous avez donnée à notre tout premier entretien, fin de l'année scolaire passée. Il y avait beaucoup de « trop », de « pas assez », de jugements et de sentences définitives à mon égard dans cet

Mon point de non-retour

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Élise est une ancienne institutrice de l’école qui venait nous aider bénévolement. Pour y avoir enseigné plus de 40 ans, elle connaissait notre école et sa population mieux que personne. Elle avait aussi travaillé plusieurs années dans l'enseignement spécialisé, on pouvait donc bénéficier de son approche des enfants en difficulté. Son expérience n’avait pas de prix et c’était une très grande chance de l’avoir parmi nous.

Se défendre et résister

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Je dois bien vous avouer que je suis passée par tous les sentiments cette année, depuis la révolte jusqu’à l’envie de changer de métier. Sans l’aide de mon compagnon et de mes collègues, je crois que les choses auraient été beaucoup plus difficiles. Ensemble, nous avons essayé d’entreprendre tout ce qui était possible pour sortir de cette situation.

Le relais catholique

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Le programme PARLER, l’enseignement explicite, Prof’Essor, etc… D’où viennent toutes ces choses qui nous ont été imposées ? C’est une question que j’ai posée tout au long de cette année et à laquelle personne n’a pu me répondre. Au départ, mes collègues et moi avons naturellement pensé que c’était le directeur qui en était à l’origine mais, très vite, nous avons compris qu’il n’y était pour rien, il m’a même avoué en aparté ne pas avoir lu la documentation relative à ces méthodes le jour même où a été pris la décision de les appliquer dans l'école. Les conseillers pédagogiques et les formateurs n’étaient pas davantage au courant, ils nous ont d’ailleurs expliqué qu’ils « découvraient ces méthodes en même temps que no us » . On a évoqué le Pouvoir Organisateur de l’école… Mais comment un PO dont le président est courtier d'assurances aurait pu décider ce genre de choses ? Il faut donc probablement remonter plus haut dans la hiérarchie pour avoir la réponse.

Enseignement Explicite, programme PARLER... des méthodes efficaces validées par la science. Vraiment?...

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La mouvance " Evidence-based" est aux commandes. Nouvelle gouvernance du système, nouvelles méthodes pédagogiques… Tout doit être réformé en se basant sur les données probantes de la recherche scientifique. On prône donc des solutions censées plus rationnelles pour répondre aux problèmes de l’enseignement. Mais derrière le discours, on constate qu’en réalité la science peine à démontrer l’efficacité de ces solutions. Les tenants de ce courant d’idées persistent pourtant à vouloir les imposer. Un cas d’école : le Programme « PARLER », une nouvelle méthode de lecture qui est introduite dans les quartiers défavorisés en Belgique et en France.

Enseignement Explicite, programme PARLER... la propagande de l'Evidence-based

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Rayonnages de la bibliothèque de l'UMons, septembre 2018 L'école est en faillite. C'est PISA qui l'a dit. La faute revient aux enseignants et surtout à l'inefficacité de leurs méthodes. Depuis de trop longues années, on a fait confiance à "l’Éducation Nouvelle", à un certain "pédagogisme" 1 qui a fini par nous conduire dans le mur. L'enseignement "rénové", la méthode globale et les réformes des années 70 sont les principaux responsables de cet échec. Maintenant, ça doit changer. Il faut se débarrasser de toute urgence de ces vieilles méthodes imprégnées d'idéologie pour les remplacer par d'autres plus efficaces. Et la science va nous y aider. La tendance est donc désormais à un enseignement qui serait fondé sur les données probantes de la recherche (Evidence-based Education) 2 .

Un autre enseignement efficace existe

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Notre enseignement est inégalitaire. C'est PISA qui l'a dit. La thèse centrale au cœur du Pacte d’Excellence est que les réformes vont permettre de réduire les inégalités que l'école  serait en train de creuser  aujourd'hui. Quelles sont donc les pratiques que l’on tente de mettre en place dans les écoles en difficulté ou dites « en écart de performance » ?

L’école efficace ou l’horizon du monde comme laboratoire

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L'Angleterre de Thatcher a imposé le modèle du management néolibéral à l'enseignement. Une transformation qui a été possible grâce aux outils d'évaluation conçus par des chercheurs travaillant sur l'efficacité de l'école ( School Effectiveness ). Depuis 40 ans, ce modèle n'a cessé de s'étendre à d'autres pays. Un texte très éclairant de Romuald Normand  retrace l’histoire de ce courant de recherche international qui a contribué à la managérisation de l’école et s'est peu à peu rendu incontournable dans l'élaboration des politiques éducatives. Toute ressemblance avec le Pacte d’Excellence … À ce propos, la conclusion de l’article vaut son pesant d’or.

Fourre-tout et coup fourré : la petite histoire des Plans de pilotage

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« Décidée par les acteurs ayant participé aux travaux du Pacte pour un Enseignement d’excellence, cette nouvelle dynamique de pilotage (…) » blablabla. Faux. Ceci est une contre-vérité, une "vérité alternative", selon l'expression consacrée. Les acteurs ayant participé aux travaux du Pacte n’ont jamais décidé ce principe de Plans de pilotage.

Plans de pilotage/Contrats d'objectifs : le modèle américain de l'ère Reagan

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« L’école doit être vue dans son ensemble comme une  « unité de production » . (…) On met en place un cycle pour assurer le contrôle qualité et l’amélioration de la qualité.  » C’est ainsi que Marc Demeuse, un des principaux consultants pour l'élaboration des réformes, a expliqué les bases de la nouvelle gouvernance de notre système éducatif à l’occasion d’une conférence donnée à Charleroi le 21 novembre 2016. Ce jour-là, en quelques mots devant une salle médusée, il venait officiellement de faire entrer notre enseignement dans l’ère du  New Public Management . Bien sûr c’était la fin de la conférence, il y avait quelques lapsus et approximations, mais le fond y était.

Les copiés-collés de la ministre

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On s’en souvient, la façon dont a été conclu le marché entre McKinsey et la FWB pour l’accompagnement du Pacte d’Excellence n’est pas des plus nettes. Dans le calcul de l’offre, McKinsey a fait appel à des fonds privés agissant comme mécènes pour couvrir ses prestations. Les soumissionnaires concurrents n’ont pas été avertis de la possibilité de recourir à du mécénat, cela a permis à McKinsey de déposer une offre à un montant inférieur de moins de la moitié du plafond budgété, ce qui fut déterminant dans l’attribution du marché. https://ecolo.be/pacte-d-excellence-ecolo-demande-des/

On « externalise »

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"On externalise certains secteurs pour ne plus être en écart de performance au niveau des unités de production". Qui aurait pu prononcer cette phrase ? Bernard Arnault, Jeff Bezos ?... Non. Il s'agit d'un collage d’expressions tirées du Pacte d’Excellence et du jargon des experts qui y participent.

McKinsey

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À propos du consultant McKinsey et de son rôle dans l’élaboration et l'accompagnement du Pacte d’Excellence, d'autres en parlent mieux que moi.  Je vous invite à consulter les articles et vidéos ci-dessous, il n'y a pas grand chose à y ajouter :

Les acteurs du Pacte d’Excellence

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Cet organigramme montre les acteurs qui œuvrent actuellement à la transformation de notre système éducatif. Les réformes sont censées se baser sur le processus participatif du Pacte d’Excellence. Dans la réalité, on constate que ce processus occupe une place plutôt périphérique. On identifie principalement deux entités complémentaires qui ont une influence majeure sur les réformes : d’une part, le courant d'idées  Evidence-Based   auquel appartiennent les membres du comité scientifique du Pacte  et d’autre part, le cabinet de consultance international McKinsey et ses différentes ramifications. Le tout, dans ce qu’il serait difficile de ne pas appeler une confusion des genres public/privé. Bien qu'il ne figure pas dans l'organigramme puisque son action se situe davantage en coulisse, le SEGEC (le Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique) joue aussi un rôle déterminant à la fois comme lobby auprès du pouvoir politique et comme relais sur le terrain. Cl

Le prix de « l'efficacité »

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Le marché de l’éducation représente des enjeux financiers énormes. Aux États-Unis, “Reading First” , un ambitieux plan pour l’apprentissage de la lecture a été mis en place à travers tout le pays de 2002 à 2008. Il a nécessité de gigantesques levées de fonds publics (6 milliards de dollars). (cf. article : " L'Evidence-based : Quelles preuves ? Quelle efficacité ? Quelle science ? ") Malgré son échec, ce plan est quand-même considéré par certains comme un modèle à suivre. L’Institut Montaigne notamment (et “Agir pour l’École”, sa branche éducative) le cite en exemple et a même entrepris de l’adapter pour la France avec le projet “Lecture” qui est basé sur le programme PARLER. http://www.institutmontaigne.org/publications/vaincre-lechec-lecole-primaire (pages 97-98). La mise en chantier de ce projet a aussi été l’objet d’un financement important (plus d’1 million d’euros. Ici les “sponsors” étaient principalement des fonds privés). (cf. page 3 : https://w

Pourquoi ce blog ?

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Ma compagne a été une des premières enseignantes touchées par le Pacte d’Excellence puisque son école est devenue un des établissements pilotes sur lesquels les dispositifs du Pacte ont été testés. Il n’y a pas si longtemps, les “gueules-noires” descendaient dans les mines de charbon avec des canaris pour vérifier si les boyaux qu’ils venaient de creuser contenaient des poches de  grisou,  un gaz mortel. Je confirme qu'au terme de cette année, mon canari est revenu dans un triste état. Il y a donc bien du grisou dans l’enseignement. Nous l'avons constaté et nous ne pouvions vraiment pas garder ça pour nous.

Qui je suis

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Cela fait maintenant 18 ans que je suis institutrice dans une école du réseau catholique belge, dans un quartier populaire. J’aime mon métier et j’aime la population de ce quartier. L'année passée, le Pouvoir Organisateur de l’école a décidé de nous faire expérimenter différentes méthodes issues du Pacte d’Excellence. Nous sommes donc devenus une école pilote sans que l'on comprenne ce qui nous arrivait.

Ils parlent du blog

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Philippe Meirieu En écart de performance : le blog d’une « instit » belge aux prises avec le management technico-libéral : les ressemblances ne sont pas des coïncidences ! https://t.co/N2ieBF4dGZ — Philippe Meirieu (@PhilippeMeirieu) 16 décembre 2018 Le Nouvel Éducateur - n° 241, février 2019 https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/56703 Chronique d'Henry Landroit, p.54