Je suis en écart de performance



N’allez pas croire d'après le titre de cet article que j’aurais dégringolé dans un classement sportif ou que j’aurais eu un coup de mou à l'usine et que mon chef d’équipe m’en aurait fait la remarque. Non, je suis juste institutrice.
Depuis le temps que j’y enseigne, mon école est passée par tous les noms : de simple école de quartier, on l’a qualifiée d’école “en difficulté”, elle est devenue ensuite établissement à “discrimination positive” ou  D+. Maintenant elle est, paraît-il, "en écart de performance".

Il faudra s’y faire. Le New Public Management nous est tombé dessus cette année ainsi que la novlangue qui l’accompagne.
Nos instances ont en effet décidé que nous allions devenir une école pilote pour le Pacte d’Excellence.
Sans crier gare, nous avons donc été soumis à un audit et on nous a imposé dans la foulée un "dispositif de réajustement"*.
Cela a impliqué des objectifs chiffrés à atteindre et l'introduction de nouvelles méthodes prétendues "innovantes et ayant fait leurs preuves". Pour couronner le tout, un nouveau directeur a été engagé pour diriger la manœuvre.

Mais avant d’aller plus loin, je dois d’abord me présenter, comme à chaque rentrée des classes.

Je suis institutrice en 1ère-2ème année primaire, je travaille donc les apprentissages de base (dont la lecture) avec les enfants.
J’adore mon métier. J’adore les enfants et ils me le rendent bien.
Je peux vraiment dire que l’enseignement est ma passion et constitue un des piliers essentiels de ma vie.
De ma propre initiative, je suis un grand nombre de formations, j’assiste à des conférences et je me documente sur les pédagogies actives.
Bref, depuis toutes ces années, j’ai tenté de construire un enseignement qui implique les enfants dans leur apprentissage et qui leur permet d’acquérir de l’autonomie, une pédagogie différenciée et adaptée à chacun, pour qu’aucun enfant ne soit laissé sur le côté.

Pour l’anecdote, hier, nous sommes allés visiter une ferme pédagogique. À la fin de la journée, l’animatrice est venue vers moi pour me dire que les enfants de ma classe avaient quelque chose de spécial, qu’ils étaient curieux, autonomes et qu’ils réfléchissaient par eux-mêmes.

Que pourrais-je ajouter à ça ? Si ce n’est que je suis très fière d’eux.


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(*) Cf. Avis N° 3 du Groupe central : initiative OS4.6.a, page 278
Un article "d'Entrées Libres", le magazine du SEGEC en parle brièvement :
http://www.entrees-libres.be/wp-content/uploads/2017/10/122_soucis_hommes1.pdf


 

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